Le licenciement pour inaptitude physique insuffisamment motivé est sans cause réelle et sérieuse

Il résulte de l’article L 1232-6 du Code du travail que l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs de la rupture dans la lettre de licenciement. Cette obligation a pour objet de permettre au salarié de connaître les motifs de son licenciement pour pouvoir éventuellement les discuter et de fixer les limites du litige quant aux motifs énoncés. À défaut d’un motif matériellement vérifiable permettant au juge de contrôler le bien-fondé de la rupture, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. ass. plén. 27-11-1998 n° 96-40.199 P : RJS 1/99 n° 23).

La lettre de licenciement pour inaptitude doit viser l’impossibilité de reclassement

Cette exigence s’applique notamment au licenciement des salariés déclarés inaptes par le médecin du travail, la lettre de licenciement devant alors viser, non seulement l’inaptitude du salarié, mais également l’impossibilité de reclassement (Cass. soc. 9-4-2008 n° 07-40.356 FS-PB : RJS 7/08 n° 771 ; Cass. soc. 23-5-2017 n° 16-10.156 F-D : RJS 8-9/17 n° 556). Cette solution a été confirmée à plusieurs reprises et reçoit application tant lorsque la lettre de licenciement se borne à viser l’inaptitude du salarié que lorsqu’elle mentionne de simples recherches de reclassement infructueuses ou le refus par le salarié d’une proposition de poste (Cass. soc. 26-9-2012 n° 11-14.989 F-D : RJS 12/12 n° 925 ; Cass. soc. 21-03-2018 n° 16-29.073 F-D ; Cass. soc. 5-4-2018 n° 16-29.074 F-D). Cette solution paraît logique puisque la Haute Juridiction décide, sous l’empire des dispositions antérieures à la loi 2016-1088 du 8 août 2016, que les recherches de reclassement et le refus ultérieur du salarié d’une proposition de poste n’impliquent pas nécessairement le respect de l’obligation de reclassement. Encore faut-il que l’employeur soit dans l’impossibilité de proposer un autre poste conforme aux préconisations du médecin du travail (Cass. soc. 29-11-2006 n° 05-43.470 F-PB : RJS 2/07 n° 265 ; Cass. soc. 18-3-2020 n° 18-26.114 F-D : RJS 6/20 n° 280).

L’arrêt de la Cour de cassation du 3 juin 2020 s’inscrit dans la ligne de cette jurisprudence exigeante. Au cas présent, la lettre de licenciement visait seulement l’inaptitude du salarié et le refus par lui d’une proposition de poste, en sorte qu’en l’absence de mention de l’impossibilité de reclassement, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent désormais être précisés

Il convient toutefois de relever que depuis l’entrée en vigueur au 1er janvier 2018 des nouvelles dispositions de l’article L 1235-2, alinéa 1er du Code du travail issues de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement pour motif personnel ou économique peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative, soit à la demande du salarié. Il en découle que si la lettre de licenciement pour inaptitude ne mentionne pas l’impossibilité de reclassement, l’employeur paraît désormais avoir la possibilité de préciser cet élément dans les conditions fixées à l’article R 1232-13 du Code du travail.

Par ailleurs, le troisième alinéa de l’article L 1235-2 dispose qu’à défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande en application de l’alinéa premier, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire. Au regard de ce texte, il reste notamment à déterminer si, à défaut pour le salarié d’avoir fait usage de la faculté de demander à l’employeur de préciser les motifs énoncés dans la lettre de licenciement, la seule référence à l’inaptitude, sans mention de l’impossibilité de reclassement, constitue une simple insuffisance de motivation sanctionnée par l’indemnité prévue à l’article L 1235-2, alinéa 3 du Code du travail ou un défaut de motivation de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.


Cass. soc. 3-6-2020 n° 18-25.757 F-D

Source : https://www.efl.fr/actualites/social/cessation-du-contrat-de-travail/details.html?ref=f44a77c94-8d62-44d2-a035-6272317ad4f6