Parité femmes – hommes sur les listes de candidats au CSE : la construction jurisprudentielle se poursuit

Le premier candidat de la liste ne doit pas nécessairement être du sexe majoritaire

Pour chaque collège électoral, les listes comportant plusieurs candidats doivent être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à leur part respective sur la liste électorale et alterner un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes (C. trav. art. L 2314-30, al.1). Lorsque l’application des règles légales conduit à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté mais ce candidat ne peut pas être en première position sur la liste (C. trav. art. L 2314-30, al. 6).

Pour la Cour de cassation, hormis ce dernier cas où l’application des règles légales conduit à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, la règle de l’alternance des candidats de chaque sexe n’impose pas que le premier candidat de la liste soit du sexe majoritaire (affaire n° 19-60.147).

A notre avis : En permettant aux syndicats et aux groupes de candidats de présenter en haut de la liste les candidats du sexe sous-représenté, la solution retenue semble s’éloigner de l’objectif initialement recherché par le législateur d’assurer une représentation reflétant la réalité du corps électoral dans les instances représentatives du personnel, seuls les candidats en haut de liste étant généralement élus.

Quelles sont les sanctions en cas de méconnaissance des règles de composition des listes ?

Si, après l’élection, le juge constate qu’une liste de candidats n’a pas respecté les prescriptions relatives au nombre de femmes et d’hommes à présenter, il peut annuler l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter (C. trav. art. L 2314-32, al. 3).

Une liste irrégulière ne peut pas être annulée après les élections

Dans l’affaire n° 19-14.225, un syndicat présente une liste comportant la candidature unique d’un homme alors que 6 sièges sont à pourvoir dans un collège unique composé de 60 % d’hommes et de 40 % de femmes. Le candidat n’est pas élu mais l’employeur demande que la liste soit annulée et qu’il soit jugé que le syndicat ne pouvait pas se prévaloir des suffrages exprimés lors du premier tour. Le tribunal d’instance fait droit à cette demande.

La Haute Juridiction casse la décision des juges du fond.

Elle commence par rappeler sa jurisprudence récente sur les règles de composition des listes lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir dans un collège mixte, à savoir (Cass. soc. 11-12-2019 nos 18-23.513 FS-PB, 18-19.379 FS-PB, 19-10.826 FS-PB et 18-26.568 FS-PB : RJS 2/20 n° 102) :

– les listes doivent respecter la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté ;

– si l’application des règles de proportionnalité et de l’arrondi conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues ;

– en revanche, si un syndicat présente une liste incomplète, l’application de la règle de l’arrondi ne peut pas conduire à éliminer toute représentation du sexe sous représenté qui aurait été représenté dans une liste comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir.

La Haute Juridiction approuve ensuite le tribunal qui, après avoir constaté qu’eu égard à la proportion des hommes et des femmes dans le collège considéré et au nombre de sièges à pourvoir, la liste litigieuse aurait dû comprendre 2 femmes et 4 hommes dans le cas où elle aurait été complète, a retenu qu’une liste comprenant l’unique candidature d’un homme n’était pas conforme. Elle le censure, en revanche, pour avoir décidé d’annuler la liste irrégulière. En effet, dès lors qu’il statuait après les élections, le tribunal pouvait seulement annuler l’élection d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste, sans pouvoir annuler la liste irrégulière, cette possibilité n’étant envisageable que si le tribunal est saisi avant l’élection.

Le non-respect de la composition paritaire n’entraîne pas une annulation globale des élections

Dans l’affaire n° 19-15.974, deux syndicats représentatifs au sein de l’entreprise concernée présentent des listes irrégulières ne comportant pas de candidat femme au titre du sexe sous-représenté. L’un des deux présente deux candidats hommes et l’autre un seul. En application des dispositions exposées ci-dessus, l’annulation de l’élection du candidat élu dont le positionnement sur la liste était irrégulier entraîne la « disparition » du syndicat n’ayant présenté qu’un seul candidat alors qu’il est représentatif dans l’entreprise, tandis que l’autre conserve un élu sur les deux. Les juges du fond ont constaté que, malgré des irrégularités équivalentes, la sanction de leur non-respect était beaucoup plus lourde pour l’un des deux syndicats en termes de représentativité. S’appuyant sur la jurisprudence constante selon laquelle les irrégularités commises dans l’organisation et le déroulement du scrutin peuvent entraîner l’annulation de l’élection si elles ont exercé une influence sur le résultat des élections ou si elles ont été déterminantes de la qualité représentative des organisations syndicales dans l’entreprise, ou du droit pour un candidat d’être désigné délégué syndical (Cass. soc. 13-1-2010 n° 09-60.203 FS-PBR : RJS 3/10 n° 281 ; Cass. soc. 2-3-2011 n° 10-60.101 FS-PB : RJS 5/11 n° 440), ils ont alors considéré que, par exception aux dispositions exposées ci-dessus, il était possible de procéder à l’annulation globale des élections, les irrégularités commises et leur sanction ayant, en l’espèce, une conséquence directe sur la représentativité des syndicats.

Ce raisonnement est censuré par la Haute Juridiction qui retient que, en cas de contentieux post-électoral sur des listes ne respectant pas les règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes, le Code du travail ne prévoit pas l’annulation des élections par le juge. Autrement dit, dans le cadre d’un tel contentieux, seules les sanctions expressément prévues par la loi sont applicables.

La même solution est retenue dans l’affaire n° 19-60.147 où les juges du fond avaient annulé le premier tour des élections dans le troisième collège au motif que les listes de candidats ne respectaient pas la représentation équilibrée des femmes et des hommes.

La Cour de cassation rappelle, comme dans l’affaire n° 19-14.225, qu’il est toutefois possible d’engager un contentieux préélectoral en la matière, le tribunal d’instance pouvant ainsi être saisi, avant l’élection, d’une contestation relative à la composition des listes de candidats et déclarer la liste électorale irrégulière, dès lors qu’il statue avant l’élection, en reportant le cas échéant la date de l’élection pour en permettre la régularisation. Elle confirme ainsi une position adoptée récemment (Cass. soc. 11-12-2019 n° 18-26.568 FS-PB : RJS 2/20 n° 102).

Un élu du sexe surreprésenté qui n’est pas lui-même en surnombre peut-il voir son élection annulée ?

Lorsqu’il y a lieu d’annuler l’élection d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste, le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats (C. trav. art. L 2314-32, al. 3).

Dans l’affaire n° 19-60.147, une liste de candidats présentait 3 hommes et 2 femmes au lieu de 2 hommes et 3 femmes. En raison de cette irrégularité, l’élection du deuxième et dernier homme élu est annulée par les juges du fond.

Décision approuvée par la Cour de cassation qui rejette les arguments du pourvoi selon lesquels compte tenu de la part de femmes et d’hommes que la liste aurait dû respecter, le deuxième candidat masculin n’était pas en surnombre et seule l’élection d’un troisième candidat masculin aurait pu être annulée.


Cass. soc. 27-5-2020 n° 19-60.147 F-D – Cass. soc. 27-5-2020 n° 19-14.225 F-D – Cass. soc. 27-5-2020 n° 19-15.974 F-D

Source : https://www.efl.fr/actualites/social/representation-du-personnel/details.html?ref=f00cdc33f-4c35-40d1-b311-4c076a2db216